Anima de Wajdi Mouawad

Résumé éditeur :
Sa femme a été assassinée et violée. Waach se lance sur les traces du meurtrier, un Indien mohawk qui profane les plaies ouvertes dans le ventre de ses victimes, ainsi que fait le mâle de la termite, perforant l’abdomen des femelles pour les ensemencer. De cette poursuite du monstre, les animaux sauvages ou domestiques sont les témoins, ils se relaient pour prendre en charge la narration. Un roman totémique et animiste.

Fiche Babelio

Avertissement linguistique : Je voudrais tout d'abord signaler que de nombreux dialogues sont en anglais (non traduit), restituant la langue dans laquelle ils sont parlé (le roman se passe entre les partie francophones et anglophones de l'Amérique du Nord). S'il n'y a pas besoin d'être bilingue pour comprendre, je pense que quelques bases de vocabulaire anglais sont nécessaire pour lire ce livre, bien que tout ce qui est récit soit uniquement en français. C'est agréable pour l'immersion dans un tel milieu.  et c'est la première fois que je vois cela dans un roman. En contrepartie ça laissera forcément quelques personnes de côté.

Ma critique : Le livre est très particulier, dans sa forme et son fond (mais surtout dans sa forme). Différents animaux, sauvages ou compagnie, nous délivre le récit d'un homme qui cherche le meurtier de sa femme. Chaque animal a ses propres perception des lieux et des éléments, et on a le droit à quelques points de vue très originaux. Mais quelque soit le narrateur celui-ci nous retransmettra tous les dialogues auxquels il assiste. J'ai trouvé cette petite entorse aux perceptions animales assez dommage pour l'ambiance, bien que ça permette à l'histoire de se dérouler de manière compréhensible.

Les animaux sont tous bizarrement attiré par l'aura de cet homme que l'on peine à comprendre. Ses motivations sont aux débuts assez flous, et on le voit traverser les différentes scènes à la fois indifférent et mue par des instincts plus forts que lui. Il veut comprendre ce qu'il s'est passé, il a besoin de se rapprocher du meurtrier de sa femme, d'en saisir la violence.

La violence, sous différentes formes, est omniprésente dans ce livre, pour un résultat souvent assez glauque. Tout d'abord le meurtre (et viol) de la femme du héros, décrits avec moult détails crus, tout comme  d'autres actes sanglants du livre. C'est par moment très gore, mais surtout très bien écrit, ce qui fait que ces passages (il y en a pas mal) m'ont mise réellement mal à l'aise, on ressent un vrai écoeurement et j'ai par moment dû poser le livre parce que c'était pour moi à la limite du supportable (une première pour moi sur des scènes gores). On est pas dans de la violence gratuite et détachée de cinéma à gros budget. Mention spécial à la scène de repas d'un animal carnivore qui nous raconte ça avec moult ressenti peu ragoutant. (Non, moi non plus je n'aurai jamais cru m'émouvoir pour une telle scène).

Mais la violence apparait également dans le langage, les dialogues échangés étant parfois assez crus et vulgaires, tout comme dans la manière de considérer d'autres êtres humains (voir animaux) de certains personnages. Clairement, si vous cherchez une lecture pour vous redonner le sourire dans un moment difficile, je vous déconseille Anima. Pour ma part, j'ai mis un temps fou à le lire (plus de 2 mois), parce que je n'ai pas arrêté de le mettre de côté après une douzaine de pages lues.

Peu à peu se tisse la toile du passé et des sensibilités du personnages. Il finit par avoir une vraie substance, ancrée dans des histoires, personnelles comme géopolitiques. Encore une fois, c'est dur. Mais très interessant et bien construit.

J'ai beaucoup aimé la manière dont l'animisme (si c'est bien de celà qu'il s'agit) est traité, la manière de faire corps avec un ou des instincts animaux, au-delà de la rationnalité par moment. C'est décrit de manière assez subtile et bizarre mais sans aller dans l'absurde. Si on est en plein dans la descriptions d'actions horribles indéfendable, on se place assez peu du côté du jugement moral, plutôt de celui du naturaliste qui analyse et cherche à comprendre, à intérioriser. Et ce tant pour les comportements humains qu'animaux.

J'y ai tout de même trouvé quelques longueurs, notamment dans la première moitié du roman, quand les chapitres les plus longs laissent s'effacer le ressenti animal au profit des dialogues est de l'histoire.

En bref, je suis ravie de l'avoir lu, j'ai été fascinée de différentes manière par ce roman intense, je pense qu'il vaut le coup d'être connu. Il m'a cependant demandé un peu trop d'effort et de persévérance consciente pour en faire un coup de coeur. Et si dans tout ce qui a été dit - par moi ou d'autres - rien ne vous repousse et certaines choses éveille votre curiosité, je vous le recommande sans hésiter.

Ma note : 4/5

Ma critique sur Babelio