mardi 20 septembre 2016

Le jour de l'émancipation de Wayne Grady


Descriptif éditeur :

En 1945, Jack, issu d'une famille pauvre et noire de l'Ontario, arrive à se faire passer pour blanc. Débarqué à Terre-Neuve dans un contingent de la marine canadienne, il rencontre Vivian, qu'il séduit par ses talents de musicien. Celle-ci découvrira-t-elle sa véritable identité ? Pendant combien de temps peut-on se fuir soi-même avant que le passé nous rattrape ?
Le jour de l'émancipation est un roman magistral qui aborde des thèmes profondément humains tels que les relations familiales, l'amour et le racisme à une époque où le Canada vit de grands changements à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Jusqu'où irait un fils irait pour échapper à son passé ? Jusqu'où irait son père pour l'aider ?
Dans un univers de jazz des années 1930, Le jour de l'émancipation est un roman déchirant sur les histoires de pères en fils, sur l'amour et le déni, sur les relations raciales... à un point tournant de l'histoire. Raconté du point de vue de trois personnages, Vivian, la jeune mariée innocente; Jack, son mari séduisant et troublé; et William Henry, père stoïque, ce roman explore les questions de racismes, et de préjudice qui perdure de génération en génération.
La fiche du livre sur Babelio et sur le site de son éditeur français le serpent à plumes ou quebecquois, Mémoire d'encrier.

Ma critique :



Ce roman est assez fascinant par les thèmes qu'ils abordent de manière originale.

Il faut du temps pour bien cerner l'histoire et les personnages, et ce n'est vraiment fait qu'à la fin du rom, ce que j'ai beaucoup apprécié : il s'agit vraiment d'un tout et pas d'éléments isolés.

Les personnages mis en scènes sont particulièrement humains, ni bon ni mauvais, sans pour autant être oubliable. Plusieurs points de vue, très différents les uns des autres, alternent autour de Jack.

Les thèmes de la guerre, de la musique, des petits boulots sont évoqués dans le livre sans qu'ils soient des ressorts centraux. Au coeur du livre, la construction d'un racisme et d'intégrations dans des milieux très communautaires.

J'ai beaucoup aimé cette construction chorale, où les personnages et les époques varient. Il faut souvent un moment pour resituer l'action, ce qui crée une ambiance particulière sans être difficile à suivre (je ne m'y suis perdue q'une fois et je me demande encore s'il ne manque pas une phrase ou un paragraphe). On y croise du coup des idées sorties de leur contexte qui peu à peu se dessine lui aussi. Comme pour le livre en général.

C'est assez bien écrit, et simplement, avec des nombreux passages que j'ai trouvé percutants sans aucune touche de mélo.

J'ai par contre nettement moins aimé le dernier chapitre, écrit dans un style très différent mais qui manque d'originalité, (et là on a p'tet un brin de mélo) alors qu'il soulève une conclusion intéressante. C'est un peu dommage.

Critique publiée sur Babelio

Quelques citations que j'ai aimé :


Il voulait se croire blanc, bon, d'accord, laissons le faire, peut-être qu'il aurait plus de chance dans la vie comme ça. Peut-être avait elle raison, peut-être que c'était comme ça que les Blancs avaient commencé : personne ne leur avait dit qu'ils n'étaient pas blancs.


Elle aurait aimé lui dire "je t'aime" sans avoir l'air de réciter une réplique sortie tout droit d'un film. Elle s'exerçait devant la glace au-dessus de sa commode, ou en brossant les dents au cabinet de toilette, mais les mots sonnaient platement, de façon sentimentale. "Je t'aime Jack." Devait-elle le lui dire avant l'amour, ou après ? Devait-elle lui dire de façon désinvolte ou théâtrale ? Elle n'arrivait pas à se décider. Elle cessa de s'exercer et attendit de laisser échapper les mots, peut-être pendant une attaque aérienne, tandis que la ville s'écroulerait autour d'eux et qu'ils se seraient cherchés dans les rues en ruine. Mais il n'y avait pas d'attaques aériennes, la guerre était pratiquement finie, et elle ne se décidait toujours pas.

Le premier août , Jour de l'émancipation, qui marque l'anniversaire de l'abolition de l'esclavage dans l'Empire britannique, il y avait toujours une grande fête à Jackson Park. Quand Jack était petit, il pensait que l'esclavage n'était illégal que ce jour-là, tandis que le reste de l'année, on traitait les gens de couleur comme on voulait, et c'était bel et bien le cas.


Quand Jack regarda de nouveau la mer, il aperçut une traînée d'huile, le sang du sous-marin coulé, miroitant dans la lumière blafarde de l'hiver, s'élargissant en un cercle paresseux au-dessus de lui. Puis, à l’intérieur de la lisse circonférence, des objets se mirent à flotter. Tout d'abord, Jack crut qu'il ne s'agissait que de vêtements et de couvertures. Mais il se rendit vite compte que ce qu'il voyait, c'était des hommes. Certains agitaient les bras et s'évertuaient à nager à travers l'huile vers le navire, tandis que d'autres, immobiles, étaient ballottés en surface par les turbulences sous-marines. Les cadavres noircis émergeaient un moment de l'obscurité, se tordaient, s'enroulaient, puis plongeaient dans l'abysse.

- Et quel âge as-tu, Miss Josie-Constance-O'Sullivan-Hughes-Rickman-bientôt-Madame-Lewis ?
- Quel âge faut-il avoir ?
- J'sais pas, dix-huit ans, j'imagine.
- Alors dis-leur que j'ai vingt ans.
- T'as pas vingt ans ! Moi j'ai vingt ans. On peut pas avoit vingt ans tous les deux !
- Et pourquoi pas ?
- Ça à l'air suspect.
- Pas du tout. Y'a plein de gens qui ont vingt ans. C'est dix-huit qui a l'air suspect.
Il fallait admettre qu'elle mentait mieux que lui.


Ma note : 5/5

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